18 mars 2022|Vie étudiante

Déconstruire les préjugés en milieu carcéral

À quelques jours du colloque « Justice pénale des mineurs » que Taulérance organise, Appoline Laporte et Lou Mottin, toutes deux co-présidentes, reviennent sur les débuts et les enjeux de l’association. Entre vocation et ouverture d’esprit, focus sur le milieu carcéral français.
1/ Pouvez-vous nous raconter l’histoire de Taulérance ?

Lou Mottin : Taulérance est une association non-militante à visée informative sur les questions carcérales. Elle regroupe des étudiants et étudiantes de Sciences Po Bordeaux, de l’IFAID, de LEA et de la fac de droit. L’objectif de Taulérance est de visibiliser les enjeux propres au système carcéral (qui ne sont pas forcément connus de la communauté étudiante) et de permettre aux différentes sensibilités de s’exprimer. Nous souhaitons susciter la réflexion et la mise en débat.

Appoline Laporte : L’association est récente. Elle a été créée par deux étudiants du master Carrières Administratives (CA) en 2019. À son origine, plusieurs projets : un colloque a tout d’abord été organisé en avril 2019, « La vie en prison ». S’il s’agissait initialement d’un projet tutoré, l’association a vu le jour dans la foulée, entre autres pour participer au projet Rand’honneur : un dispositif lancé par la Préfecture de Gironde, qui a permis de nous impliquer dans une randonnée organisée avec des détenus, dans un but de réinsertion, en juillet 2019. Enfin, en novembre 2019, un second colloque a été organisé : « Sortir de prison : questions éthiques ». Il a été parrainé par la Fondation Anthony Mainguené.

2/ Via quels vecteurs agissez-vous ?

Appoline Laporte : Nous publions quotidiennement du contenu sur notre page Instagram. Nous nous consacrons en général à une thématique précise. Dernièrement, nous avons travaillé sur les lieux de privation de liberté. Des informations ont été publiées successivement sur la garde à vue, les longues peines, la rétention administrative et les mesures alternatives existantes. Nous travaillons également sur des posts « culture » : livres, films ou tout autre support traitant de la question carcérale et de la justice. Enfin, des publications relatives à l’actualité sont aussi produites. Je pense typiquement à des décisions du Conseil d’État, au vaccin et aux kits sanitaires en prison, aux rapports sortis récemment…

En parallèle des réseaux sociaux, nous travaillons sur de grands projets, comme des conférences. C’est ainsi qu’en 2020, Taulérance a été l’initiative d’un événement traitant de « La réinsertion des personnes condamnées pour des actes à caractère sexuel ». Un psychiatre et un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation étaient invités en tant qu’intervenants. En 2021, une visio-conférence a été organisée (conditions sanitaires obligent) autour de la question des femmes en prison, en partenariat avec l’association Sexprimons Nous. L’équipe s’est particulièrement bien adaptée aux mesures de confinement.

Plus récemment, au mois de février, nous avons invité Monsieur André Ferragne, secrétaire du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour qu’il puisse témoigner de son expérience au sein de cet organisme.

Lou Mottin : Le 25 mars prochain, nous organisons un nouveau colloque financé par la Ville de Pessac et par la Fondation Mainguené, intitulé : Justice pénale des mineurs, spécificités et enjeux. L’événement, qui se déroulera sur une journée entière, donnera la parole à des professionnels qui interagissent dans le milieu de la justice des mineurs. Des groupes de travail seront proposés aux participants : les étudiants en Carrières Administratives se sentiront bien sûr concernés, mais l’événement est ouvert à tous les élèves intéressés par cette question.

Dans le prolongement de ce colloque, nous avons également l’intention d’intervenir dans des lycées de Pessac, pour présenter notre association et apporter de l’information sur la justice des mineurs.

3/ Quels sont les grands enjeux de l’association ?

Lou Mottin : Notre mission est avant tout informative. En tant qu’acteurs de la société civile, nous avons peu de possibilités pour entreprendre des actions telles que des visites en prison. La pandémie n’a rien arrangé... Nous sommes en revanche en relation avec l’administration pénitentiaire, notamment avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ou avec des hôpitaux spécialisés.

Appoline Laporte : En effet, nous avons été en contact avec un psychiatre responsable d’une unité des soins apportés à des personnes détenues. Malgré ces pistes, ce milieu demeure relativement fermé. Il est donc impératif pour nous de garder une ligne apolitique, entre autres si nous souhaitons faire évoluer nos initiatives, en tentant par exemple d’aller visiter une prison.

Lou Mottin : Il s’agit là des principaux enjeux de l’association. Nous sommes intransigeants sur le caractère neutre des informations que nous divulguons. Nous tenons à notre crédibilité. Il nous tient également à cœur de déconstruire les préjugés et de susciter l’esprit critique. Mais notre enjeu premier d’information nous satisfait. À ce propos, nous avons également lancé un podcast, pour varier les supports que nous proposons. Le premier épisode traite du métier de surveillant pénitentiaire et le second, posté très récemment, de la fonction de directeur ou directrice d’établissement. Avec ce nouveau support, nous essayons encore une fois de nous adapter à notre cible principale : les étudiants.

4/ L’association Taulérance suscite-t-elle des vocations ?

Lou Mottin : J’attache un intérêt de longue date au milieu carcéral, puisque je veux passer le concours de l’ENM depuis que je suis très jeune. L’année dernière, j’ai aussi réalisé un mémoire sur le système carcéral français, ce qui a d’autant plus aiguisé mon intérêt pour ce domaine.

Appoline Laporte : Pour ma part, Taulérance a joué un rôle de déclic. Mon investissement au sein de l’association m’a permis de comprendre que je voulais travailler dans la réinsertion des personnes détenues. Lou et moi sommes d’ailleurs toutes les deux investies, à l’extérieur de l’association, dans un programme de réinsertion, en collaboration avec le SPIP de Gironde.

 

Colloque "Justice pénale des mineurs : spécificités et enjeux"

Le vendredi 25 mars 2022, de 9h à 17h, Sciences Po Bordeaux

Colloque libre d'accès, ouverte à tous et à tous. Inscription pour participer à un groupe de travail l’après-midi sous ce lien.