25 mai 2022

Dossier | Du statut de bon élève à celui de professionnel

Avec un taux d’insertion sur le marché du travail à 2 ans de 98% et un salaire brut annuel moyen de 35 K€ en début de carrière¹, Sciences Po Bordeaux constitue indéniablement un passeport pour l’emploi.

Comment l’école prépare-t-elle ses étudiants à passer du statut de « bon élève » à celui de « professionnel » ? Notre dossier du mois décrypte les rouages de cette mutation, développée par l’établissement et recherchée par les étudiants et les employeurs.

Nul n’étant prophète dans son pays, commençons par un paradoxe que Gilles Bertrand, directeur des études de 2e cycle de Sciences Po Bordeaux, relate avec franchise. « Alors que tous les chiffres attestent de l’employabilité de nos étudiants, ces derniers s’inquiètent de leur capacité d’insertion professionnelle. Ils ont parfois le sentiment que les connaissances acquises – dont ils reconnaissent les qualités intrinsèques- ne sont pas adaptées au marché de l’emploi. Or, c’est tout l’inverse qui se produit. Les entreprises qui recrutent nos étudiants louent justement leur profil. Ce qui leur semble être une faiblesse constitue leur principale force ! ». Autrement dit, l’institut ne forme pas des techniciens experts mais des professionnels dont l’approche pluridisciplinaire répond plus que jamais aux besoins d’encadrement de la fonction publique, des entreprises publiques et privées, et des organisations non gouvernementales.

Savoir-être et savoir-faire

Comment expliquer alors ce différentiel entre les compétences perçues et celles acquises ? « Nos élèves sont comme Monsieur Jourdain. Ils ne prennent pas forcément conscience qu’ils se professionnalisent année après année, dans un continuum qui monte en puissance à partir du second cycle. Ce dernier prend sa pleine mesure en 2e année de master » poursuit Gilles Bertrand, par ailleurs responsable du master Politique internationale et chercheur au Centre Émile Durkheim. Le directeur des études du 2e cycle met en avant auprès des étudiants deux dimensions de la professionnalisation. « Celle-ci passe d’abord par un comportement et un état d’esprit : aller en cours, être à l’heure, rendre ses travaux le jour J à l’heure H. Bref, acquérir de la rigueur…professionnelle ! ». Quant au savoir-faire, l’enseignement de Sciences Po Bordeaux se traduit par des aptitudes recherchées par les employeurs qui font leur marché à la sortie des instituts d’études politiques : comprendre les nouveaux enjeux politiques, économiques, sociaux ou environnementaux ; savoir rechercher des informations, les analyser, en faire la synthèse et les présenter ; démontrer des qualités d’écriture et d’expression orale ou encore savoir monter des projets concernant une multitude d’acteurs et recoupant diverses problématiques à l’heure où l’économie n’a jamais été aussi collaborative.

Des stages à l’alternance en passant par les projets tutorés

Depuis le passage de la scolarité à 5 ans, Sciences Po Bordeaux s’est engagé dans une professionnalisation accrue. Celle-ci se traduit par une offre très large de masters, au nombre d’une vingtaine. Parmi ceux, certains collent aux attentes du marché, comme Gouvernance de la transition écologique ou Économie sociale et solidaire et innovation sociale. D’autres s’inscrivent dans une logique à plus long terme, comme les masters de recherche par exemple. Leur maquette pédagogique évolue régulièrement, avec l’apport de nouveaux enseignements qui viennent en remplacer d’autres. « Nous sommes à l’écoute des étudiants, des anciens élèves, des employeurs et des responsables de masters pour affiner au mieux notre offre de cours » précise Gilles Bertrand, qui n’a pas hésité à intégrer un cours sur la cybersécurité pour sensibiliser ses propres étudiants à cette thématique ô combien d’actualité. Le recours à des intervenants spécialisés – de manière très marquée en dernière année du cursus - participe aussi à la professionnalisation des étudiants. En master, la mise en pratique des connaissances acquises se vérifie aussi à travers des projets tutorés, véritables mises en situation professionnelle. Il s’agit de commandes réelles émanant d’organisations partenaires dont l’activité est en lien avec la spécialisation sur lesquelles les étudiants planchent en groupe. Ce travail donne lieu à des suivis réguliers, la réalisation d’une étude approfondie et à une restitution devant « le client », à l’instar des prestations de cabinets de conseil. L’école, qui incite depuis de nombreuses années ses élèves à effectuer des stages dès le premier cycle, a ouvert quatre de ses masters à l’apprentissage en 5e année. Au regard de la satisfaction des étudiants et des employeurs, ce nombre devrait croître dans les années à venir. Autant de vecteurs de professionnalisation en lien avec les études suivies.

La professionnalisation dans et hors les murs

La professionnalisation à Sciences Po Bordeaux se propage aussi grâce aux nombreuses opportunités offertes aux étudiants de participer à tel ou tel événement ou de s’impliquer dans telle ou telle initiative. On citera pêle-mêle la tenue de conférences métiers, les Rencontres Carrières ou encore les préparations des Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud Ouest. On s’attardera aussi sur l’engagement des étudiants dans les associations de l’école, nombreuses et diversifiées. À ce titre, la Direction accompagne les responsables de ces structures et les incite à professionnaliser leur action : déclaration en Préfecture, établissement d’un bilan moral et financier, respect des valeurs de l’établissement, communication et coordination avec les autres associations, etc. Une exigence à laquelle Ausone Conseil – la Junior Entreprise de l’école - est rompue. Avec 11 années d’expérience, près de 160 études réalisées, 22 membres actifs pour la seule année en cours et un site internet à part entière, son « professionnalisme » n’est plus à démontrer. Et si vous doutez encore de la professionnalisation à Sciences Po Bordeaux, il vous suffit d’interroger des anciens élèves pour mesurer combien ils ont « appris à devenir pro » pendant leur vie étudiante grâce aux activités « hors les murs » de l’établissement. Un savoir-faire valorisé par les étudiants sur leur CV. L’occasion à ce titre de souligner le rôle majeur de notre pôle Carrières & Partenariats que tous les étudiants connaissent et fréquentent. Ce sas, qui gère notamment le service des stages et le réseau des anciens élèves, participe au premier chef à l’émancipation professionnelle des élèves et les accompagnent sur le chemin de l’emploi !

1 Découvrir les chiffres clés de l'insertion professionnelle de nos diplômés

Témoignages

François Lafont, étudiant de 5e année parcours Carrières Administratives

« L'alternance, une vraie chance ! »

« Le master Carrières Administratives prépare historiquement les étudiants de Sciences Po Bordeaux aux concours de la fonction publique. Mais comme celle-ci s’ouvre de plus en plus, le marché de l’emploi devient plus fluide entre public et privé, et les opportunités d’emploi se diversifient. Ainsi, j’ai la chance de suivre ma 5e année en alternance au sein de la direction des affaires publiques de Nestlé France, mon rôle étant de faire le lien entre l’entreprise et les pouvoirs publics. Je considère que c’est un vrai plus pour construire un début de carrière car je suis encadré au quotidien et je bénéficie de l’expérience de professionnels qui jouent le rôle de mentor. La perspective de vivre cette expérience immersive au sein d’une entreprise a été un critère important dans le choix de ce master dont les disciplines sont a priori théoriques : droit, finance publique, etc. Néanmoins, ils prennent un caractère pratique grâce à l’apport d’intervenants extérieurs qui proposent des mises en situation. Je pense notamment à un module très concret sur la gestion des ressources humaines par exemple. Deux autres facteurs participent selon moi à la professionnalisation des étudiants de l’école. La première concerne les soft skills1. A l’Institut, nous développons au fil des années notre capacité à nous exprimer en public, à nous adapter à des univers différents ou encore à nous impliquer dans différentes activités au cours d’une même journée, comme cela se passe dans le monde du travail. Le second a trait aux stages qu’on nous encourage à suivre. Personnellement, j’ai commencé à en effectuer dès la 3e année lors d’une année de césure qui m’a permis de passer 6 mois auprès d’un député. Autant d’expériences que je valorise sur mon CV ».

1 Ce terme, qui peut se traduire par « compétences douces », désigne les compétences comportementales : l'intelligence relationnelle, les capacités de communication, le savoir-être, etc. De plus en plus recherchées par les entreprises, elles s’ajoutent aux hard skills (« compétences dures »), lesquelles s’acquièrent par les connaissances plus académiques

Emma Nocquet-Wass, étudiante parcours Gouvernance de la Transition Ecologique

« Une formation qui correspond à mes valeurs »

« Je voulais m’engager dans un parcours qui me permette de comprendre les enjeux du changement climatique et de la biodiversité. J’ai grandi dans un milieu proche de la campagne et j’ai toujours été sensible à la protection de la nature. Mon master me permet de suivre une formation qui correspond à mes valeurs, de plus en plus partagées. J’ai participé à ce titre à un groupe de travail sur la transition écologique à Sciences Po Bordeaux qui montre que les étudiants de l’école ont conscience du caractère prépondérant de cet enjeu. J’ai appris à devenir plus professionnelle à Sciences Po Bordeaux en commençant par rejoindre le monde associatif. Je conseille aux nouveaux élèves de le faire. Cela vous apprend à travailler en équipe, à accepter des points de vue différents et à prendre en compte des contingences administratives. J’ai apprécié aussi les rencontres carrières, avec un contact direct et informel avec des professionnels. Je pense que c’est très bénéfique pour les étudiants afin de découvrir des métiers, des entreprises, des organisations. L’institut encourage aussi les stages. J’ai bénéficié d’une convention pendant l’été, ce qui m’a permis de vivre une expérience professionnelle en Belgique en 3e année. Je fais partie de Ausone Conseil, la Junior-Entreprise de l’école, en qualité de responsable RSE, ce qui me donne l’occasion d’imbriquer mes connaissances universitaires dans une approche professionnelle. Concernant les cours, les projets tutorés sont très formateurs car ils développent l’autonomie dans un cadre contraint : vous ne choisissez ni le sujet ni votre équipe et vous devez vous organiser, comme dans la vie professionnelle que j’explore en profondeur via l’alternance en qualité de chargée d’étude urbanisme-foncier auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine. Enfin, Sciences Po Bordeaux m’a appris à développer mon réseau, un savoir-faire très cultivé ici ».

Anaïs Lafite, professeur associée en charge des projets tutorés de 5e année Risques et Développement aux Suds ainsi que Géoéconomie

« Une mise en situation réaliste et bénéfique »

Les projets collectifs tutorés sont des exercices de mise en situation, à visée opérationnelle, permettant de professionnaliser les élèves des parcours de master de 4e et 5e année. Anaïs Lafite détaille plus précisément les projets dont elle a la charge et nous explique en quoi ils participent à la professionnalisation des étudiants concernés.

Qui vous sollicite pour la mise en œuvre des projets tutorés et quelle est la nature de cette demande ?

« Ces projets tutorés résultent de commandes passées par des organisations partenaires de l’école en lien avec les risques et le développement dans les pays du Sud : ONG, agences de l’ONU, acteurs de coopération décentralisées, entreprises privées. Ils portent sur des problématiques variés : étude d’implantation dans un pays donné, analyse des risques et des opportunités de marchés, bilan d’activités, etc. Nous ne parlons pas d’études fictives, mais bel et bien d’une demande réelle de structures pour qui ce travail revêt une dimension stratégique. Celui-ci s’apparente donc à celui confié à des cabinets de conseils, à la différence près que cette mission ne donne pas lieu à facturation et qu’elle s’inscrit dans un processus pédagogique ».

En quoi ces projets sont-ils particulièrement professionnalisants ?

« L’exercice permet concrètement aux étudiants de mettre en pratique leur connaissance. La 4e année se focalise sur l’analyse du risque pays et s’inscrit dans un cadre exclusivement universitaire. En revanche, en 5e année, les étudiants sont en interaction avec le commanditaire. L’expérience est doublement enrichissante sur le plan professionnel puisque les étudiants, conscients du challenge à relever, s’appliquent à parfaire la qualité de leur travail, en termes de méthodes, d’outils et de contenus. L’exercice leur demande notamment d’intégrer en quelques mois des données qu’ils ne maîtrisent pas forcément, en matière, d’énergie, d’économie sociale et solidaire ou de secteurs d’activité par exemple. Ils prennent aussi conscience des exigences d’une mission en mode projets. Sur le plan interne, ils doivent apprendre à collaborer avec des étudiants d’un autre master qu’ils ne connaissent pas. En externe, ils ont l’obligation d’interagir avec le client et de tenir un calendrier, des points d’étapes, etc. Je les encadre, avec le soutien d’une conseillère du ministère des affaires britanniques, en leur apportant mon expérience de terrain. Si j’assure le contrôle du bon déroulé des opérations, ce sont les étudiants qui travaillent dans un cadre contraint où il dispose d’une très grande autonomie ».

Quels sont les retours clients et comment les étudiants valorisent-ils cette expérience ?

Les travaux sont évalués par Sciences Po Bordeaux. Le jury est souvent bluffé par la qualité de restitution des étudiants, tant à l’écrit qu’à l’oral. Il en oublie même parfois qu’il a devant lui des élèves de master 2 et non des professionnels en exercice ! Le feedback des commanditaires s’avère très positif. Ces derniers sont avides – au même titre que les étudiants - de maintenir et même de renforcer ce dispositif. Les étudiants ont touché du doigt le caractère hyper réaliste et bénéfique de leur savoir-faire. Et comptez sur eux pour savoir le dupliquer et le valoriser ! »