02 mars 2023|Sciences Po Bordeaux

Médiation culturelle et scientifique

Quand l'école s'ouvre aux autres et à la cité !

L’école et ses laboratoires de recherche organisent régulièrement des temps de médiation culturelle et scientifique : Cafés Recherche, séminaires, Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud Ouest... Ces événements sont gratuits, ouverts à tous et mus par le désir d’informer, d’éclairer et d’échanger.

En organisant le jeudi 2 février 2023 une table ronde sur le thème de la réforme de la retraite, les équipes Recherche de Sciences Po Bordeaux pouvaient difficilement être plus en phase avec l’actualité ! Cet événement est le dernier en date des rendez-vous d’un dispositif intitulé Cafés recherche qui se tient tous les mois à l’institut. L’objectif permet notamment de donner à voir les travaux de recherche des équipes de LAM (Les Afriques dans le Monde) et du CED (Centre Émile Durkheim) et offrir aux élèves, à la communauté pédagogique de l’établissement et aux citoyens plus largement le moyen de nourrir leur réflexion sur des sujets de société. Cette dimension conviviale se traduit dans la forme par un « café offert » au public présent, invité à écouter puis à converser en toute décontraction au milieu du hall centre de l’école dénommé l’Atrium et dont notre newsletter a emprunté le nom. Cet événement accessible à toutes et tous sans invitation préalable se caractérise par une volonté de médiation qui rime avec vulgarisation. Un terme qui, à une autre époque, pouvait froisser la communauté scientifique. À ce titre, il faut rendre hommage à la communauté de chercheuses et chercheurs de Sciences Po Bordeaux pour la mise en œuvre de cette initiative, sans oublier les autres. Les séminaires d’actualité du LAM au Musée d’Aquitaine offrent à un public non averti des interprétations scientifiques de grands enjeux sociétaux sous une forme comparative et via différents supports : exposés de chercheurs mais aussi d’acteurs de la société civile (en particulier associatifs), expositions commentées, etc. Le CED développe de son côté un dispositif dénommé Atelier C’est pas très académique ! qui propose aux chercheurs un espace pour échanger sur les différentes manières dont le chercheur peut s’approprier, détourner ou même contester le nouveau cadrage des rapports entre sciences et société. Les enseignants-chercheurs de l’école participent aussi aux actions locales et nationales de médiation scientifique : Nuit européenne des Chercheurs, les Happy Hours ou le Village des sciences de Cap Sciences… Ce faisant, L’école répond à l’une des missions que lui assigne l’Université. Car en plus d’assurer la formation initiale et continue interdisciplinaire de ses élèves, de participer à leur réussite et à leur insertion professionnelle, d’agir pour une recherche d’envergure et de développer la coopération internationale, Sciences Po Bordeaux contribue à la diffusion de la culture et à l’information scientifique. « Notre rôle est d’éclairer le débat » expliquent d’une même voix Jean-Philippe Berrou, Directeur de la Recherche à Sciences Po Bordeaux et Caroline Sagat, chargée de médiation scientifique, dont nous vous invitons à lire l’interview ici.

Une ouverture effective depuis bientôt 40 ans

Chantre des sciences sociales, Sciences Po Bordeaux sait mieux que quiconque que ses terrains d’études sont intrinsèquement liés à la société et à ses évolutions. Afin de créer cette interaction, l’école a eu l’idée en 1984 de créer les Rencontres Sciences Po Bordeaux / Sud Ouest. En invitant le grand public à cet événement conçu, préparé, organisé et relayé en partenariat avec le grand quotidien régional, l’institut d’études politiques ouvrait régulièrement ses portes au public, une première pour l’établissement. Plus de 500 personnalités et plusieurs centaines de milliers de spectateurs se sont succédés au fil du temps pour un rendez-vous gratuit et libre d’accès dont la programmation est confiée depuis 2019 à Mazarine Pingeot. Il suffit de consulter le bilan des Rencontres 2022 pour apprécier l’éclectisme des invités de la saison précédente : Françoise Rudetzki (Fondatrice de l’association SOS Attentats), François Villeroy de Galhau (Gouverneur de la Banque de France), Chantal Jouanno (Présidente de la Commission Nationale du débat public), Pierre Singaravélou (historien), Pascal Boniface (Directeur de l’institut de Relations Internationales et Stratégiques), Édouard Louis (Ecrivain) et Abd Al Malik (rappeur, écrivain et réalisateur), sans oublier une table ronde sur la santé. Les Rencontres font aussi le lien avec la vie culturelle locale, à l’instar d’un rendez-vous calé chaque mois de novembre en partenariat avec le Festival International du Film d’Histoire de Pessac. La plupart des Grands oraux, Tables rondes et Cartes blanches se déroulent au sein de l’amphithéâtre Montesquieu de l’école, mais aussi de plus en plus à l’extérieur. On pense notamment à des rencontres décentralisées et à celles qui se déroulent régulièrement à Bordeaux en collaboration avec la librairie Mollat. Le Grand oral de Christelle Taraud du jeudi 23 février 2023 s’est d’ailleurs déroulé dans les murs de la station Ausone (grande salle de conférences située en plein cœur de Bordeaux).

L’envers du décor des Rencontres

Nous avons assisté à une séance de travail préparatoire à cette Rencontre. Mazarine Pingeot, Aude Ferbos - journaliste à Sud Ouest - et une vingtaine d’étudiants ont pris sur leur temps libre de la pause méridienne pour affiner les thèmes et sujets à aborder. Les élèves volontaires se sont informés au préalable sur la carrière et le profil de l’auteure de Féminicides, une histoire mondiale. L’échange se déroule dans l’esprit d’une conférence de rédaction d’un journal où la rigueur du fond doit aller avec des contraintes de forme. On s’intéresse donc à la définition du féminicide, à son historiographie et à sa mythologie, ou encore à son utilisation comme arme politique. Mais on prend aussi en compte le fait que le public n’aura pas lu ce livre « ardu » de 900 pages ! « Pensez à poser des questions courtes et ouvertes » précise Mazarine Pingeot qui rappelle la finalité de l’exigence : rendre accessible ce Grand oral au plus grand nombre le jour J dans une logique de médiation culturelle et scientifique.

 

Témoignage de deux étudiantes des Rencontres Sciences Po / Sud Ouest

« Nous avons un rôle à jouer »

Caroline, étudiante en 4e année parcours Économie Sociale et Solidaire, s’est inscrite pour participer à l’organisation du Grand oral de Christelle Taraud « car le sujet lui tient à cœur ». Son but est à la fois « d’en apprendre plus à titre personnel » mais aussi « de vulgariser un livre pointu et volumineux qui n’est pas à la portée de tout le monde ». Considérant « qu’elle n’est pas experte du sujet », la jeune femme a donc planché le sujet avec sérieux, consciente qu’elle et ses camarades vont « représenter tous les étudiants de Sciences Po Bordeaux ». Quant au rôle de médiation culturelle et scientifique de Sciences Po Bordeaux, elle l’estime nécessaire et salutaire. « Les critiques de l’opinion publique vis-à-vis de la société technocratique sont de plus en plus virulentes. La rupture entre le peuple et le politique est réelle et le fossé risque de se creuser de plus en plus. Je crois qu’il est nécessaire de faire le lien entre des études scientifiques et les réalités de terrain. Nous avons notre rôle à jouer car si Sciences Po doit rester « une école qualitative » dans sa formation, il faut qu’elle soit « la plus ouverte et accessible possible » en termes de messages ». Le danger serait donc pour elle « de rester dans un entre-soi et dans sa bulle », ce que Sciences Po Bordeaux « cherche à éviter car il y a une volonté d’ouverture à l’image de son propre parcours de formation en phase avec le monde actuel ». Des propos que Charlotte, étudiante de 3e année, corrobore. Elle confirme que « c’est le sujet qui l’a motivée à s’engager », comme la majorité des élèves qui ont participé à ces rencontres et dont on perçoit clairement la volonté de faire bouger les choses. « L’enjeu est de faire prendre conscience du fléau des féminicides, de faire réfléchir et toucher un public extérieur ». Si elle a préconisé à ce titre « un principe de neutralité sur les deux premières parties des questions » pour ces Rencontres, elle n’a pas hésité à revendiquer « la possibilité d’exprimer une prise de position sur la troisième partie ».

Interview Jean-Philippe Berrou, Directeur de la Recherche à Sciences Po Bordeaux et Carole Sagat, chargée de médiation scientifique

« Éclairer le débat »

Pourquoi la Recherche à Sciences Po Bordeaux participe-t-elle à des actions de médiation culturelle et scientifique ?

Il faut préciser que de tout temps, la médiation a fait partie intégrante du métier de chercheuse et chercheur, mais cet aspect est longtemps resté peu valorisé et donc un peu retrait par rapport au travail mené entre pairs (laboratoire, colloques, séminaires, publications académiques). La transmission des fruits de la recherche dans le supérieur  s’est toutefois toujours faites dans le cadre des enseignements, ce qui est toujours le cas et est d’ailleurs encore réaffirmer dans le cadre de la réforme du premier cycle en cours. Ce qui est nouveau c’est que cette transmission cherche de plus en s’étendre au-delà de la salle de classe et des murs de l’établissement pour s’ouvrir plus largement à la  société civile dans son ensemble. Beaucoup de personnes ont éprouvé un besoin d’éclairage et de compréhension scientifique à l’occasion de la Covid-19, s’interrogeant à cette occasion sur le rôle dévolu au scientifique et au politique. La loi de programmation de la recherche (LPR) a d’ailleurs fait du développement des interactions entre sciences, recherche et société un objectif à part entière à travers l’initiative Science avec et pour la société. Sciences Po Bordeaux a d’ailleurs obtenu un financement du MESRI (Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) pour développer son projet Médiation en SHS (Sciences Humaines et Sociales) visant à renforcer la culture de la médiation et à faire émerger un schéma directeur de la médiation scientifique pour l’établissement. Notre engagement en faveur de la démarche de médiation scientifique est toutefois bien antérieur à la crise sanitaire, à l’image des séminaires d’actualité régulièrement organisés par le laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) au Musée d’Aquitaine de Bordeaux et des journées d’étude entièrement consacrée à la question organisées par le Centre Émile Durkheim (Perdu·e de recherche, les sciences sociales au risque de la médiation). Aujourd’hui, elle s’organise, s’amplifie et se diversifie, notamment hors de nos murs.

Que retenez-vous de vos échanges avec le public à travers les Cafés Recherche que vous organisez et comment éviter de tomber dans le registre « du café du commerce » ?

Les Cafés Recherche sont un bon exemple de notre approche du sujet. L’exercice consiste pour une chercheuse ou un chercheur à présenter le fruit de son travail scientifique en dix minutes sur un thème donné en résonance avec l’actualité, puis d’enchaîner par un temps d’échange sous forme de questions-réponses avec le public présent. Nous partons du principe qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises questions. En revanche, nous apportons des réponses qui reposent sur une approche scientifique dont la finalité est d’éclairer le débat et éventuellement alerter sur tel ou tel de ses aspects. Mais en aucun cas de chercher à le clore ! Pour l’instant, l’événement se déroule au sein de l’école. L’idée est de l’externaliser pour varier encore plus les publics.

En quoi les différentes actions de médiation de Sciences Po Bordeaux font « œuvre utile » ?

La chercheuse ou le chercheur de Sciences Po Bordeaux qui intervient vulgarise à cette occasion ses travaux sans les dénaturer, une tâche qui n’est pas forcément évidente mais qui fait partie de notre mission. Pour le public, la médiation que nous proposons lui donne l’occasion d’en savoir plus sur le thème traité à partir d’une méthode et de données qualitatives et quantitatives parfois absconses que nous cherchons à rendre accessibles. Cette approche me semble salutaire à l’heure de la démultiplication des canaux de diffusion qui mélangent parfois informations, opinions, croyances et fake news… C’est d’ailleurs dans cet esprit que Sciences Po Bordeaux à travers la direction de la recherche vient en appui des actions de médiations des laboratoires en proposant notamment des formations et en diversifiant les supports de médiations (podcasts audios, vidéos, films et pourquoi pas à terme le théâtre, la bande dessinée) et les partenariats (région, mairie, bibliothèques, lycées, etc.).

À noter : Il n’est pas encore trop tard pour le Prochain Café Recherche du jeudi 2 mars de 13h30 à 14h à l’Atrium de Sciences Po Bordeaux : Présentation des travaux de Marième N’Diaye, chargée de recherche CNRS Directrice Adjointe du LAM sur le thème : L’homosexualité en procès au Sénégal.